mardi 28 avril 2009

Le pape Benoît XVI rencontre une délégation autochtone mercredi

Le pape Benoît XVI rencontre une délégation de représentants autochtones du Canada mercredi, dont le chef national de l'Assemblée des Premières nations, Phil Fontaine. Le Chef national assistera à cette rencontre en compagnie d’une délégation qui comprendra les aînés des Premières Nations et des survivants des pensionnats indiens. La Conférence des évêques catholiques du Canada sera représentée par une délégation de congrégations missionnaires qui ont été présentes dans les pensionnats indiens et par l’archevêque Weisgerber, président de la Conférence des évêques catholiques du Canada.

Alors que certains, dont Phil Fontaine, aimeraient avoir des excuses "officielles" du pape sur la question des pensionnats autochtones, tous demeurent conscients que les problèmes actuels des autochtones du Canada ne seront pas résolus avec de telles excuses et que malgré tout, les relations entre l'Église catholique et les autochtones sont meilleures qu'on le dit.

En septembre 2008, Phil Fontaine prenait la parole lors de l'assemblée plénière annuelle de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC). C'était la première fois qu'un chef autochtone était ainsi invité par les évêques à s'adresser à eux dans un tel contexte. De l'aveu même de plusieurs évêques qui étaient présents sur place, cela fut un moment fort de leur rencontre. Faisant référence aux abus passés dont ont été victimes plusieurs autochtones canadiens, notamment ceux impliqués dans les sordides histoires des pensionnats, le chef Phil Fontaine a appelé tout le monde à se tourner vers l'avant : "Il est inutile de centrer notre regard sur ce qui a fait défaut dans le passé; nous devons plutôt bâtir à partir de ce qui a bien fonctionné".

Cette invitation faisait suite à une rencontre qui s'était tenue au tout début de l'année 2008. Par voie de communiqué, le chef Phil Fontaine avait alors fait la déclaration suivante à la fin du mois de janvier :

"Pour nous (les Premières Nations), les organisations catholiques sont des alliées dans le cadre du difficile processus de guérison que traversent les survivants des pensionnats indiens et leurs familles. Nous souhaitons continuer de collaborer, à l'échelle communautaire locale, avec les membres des organisations catholiques. La coopération étroite de tous les intervenants est indispensable au succès de la mise en oeuvre de la Commission de vérité et de réconciliation relative aux pensionnats indiens."

Des relations nouvelles
Depuis plusieurs décennies, les relations ont profondément changé entre les peuples autochtones du Canada et l'Église catholique. Cela est dû en grande partie au pape Jean-Paul II. Ce dernier a d'abord rencontré des représentants autochtones à Rome, en 1980, pour la béatification de la première amérindienne d'Amérique du Nord, Kateri Tekakwitha. Par la suite, en prévision de son voyage au Canada en 1984, Jean-Paul II a insisté pour rencontré les autochtones, ce qui sera finalement fait trois fois au cours de son périple. Ainsi, le 18 septembre 1984, il leur adressait la parole dans un message radiophonique.

Dans ce message, il reconnait les fautes de certains missionnaires. Mais il met surtout l'accent sur les droits des autochtones : "Pour vous, une base territoriale dotée de ressources suffisantes est également nécessaire, afin de développer une économie viable pour les générations présentes et futures. Vous devez également être en mesure de mettre en valeur vos terres et votre potentiel économique, d'éduquer vos enfants et de planifier votre avenir".

Le voyage oublié
Beaucoup de Canadiens l'oublient, mais le pape Jean-Paul II est revenu au Canada en septembre 1987 afin de rencontrer à nouveau les chefs et les peuples autochtones à Fort Simpson. Des dires mêmes de son secrétaire personnel, il accordait beaucoup d'importance aux liens avec ces peuples. D'ailleurs, le chef Phil Fontaine faisait mention à la fois du message radiophonique et de ce voyage consacré aux autochtones dans son message de sympathies adressé aux catholiques lors du décès du pape en 2005.

Légalité, responsabilité, excuses
Au Canada, 16 des 70 diocèses ont été impliqués dans ce sombre épisode de l'histoire canadienne qu'est celui des pensionnats autochtones. Légalement, ces diocèses sont individuellement responsables des cas d'abus qui sont survenus. La Conférence des évêques catholiques du Canada et l'Église catholique romaine - et le pape - ne peuvent pas être tenus pour responsables. Autrement dit, ce sont les diocèses et les communautés religieuses impliqués qui doivent avant tout prendre les devants dans le processus de réconciliation. Plusieurs d'entre eux ont choisi de le faire dès le début des années 90 et ont été appuyés dans leurs démarches par la CECC.

Donc, des excuses venant d'autorités ecclésiales autres que celles directement impliquées seraient avant tout symboliques et exprimeraient ainsi une certaine forme de solidarité, mais sans plus.

L'Église, le Canada et le phénomène Ponce Pilate
L'Église catholique gérait 75% des pensionnats autochtones où plusieurs membres des Premières Nations ont été assimilés de force ou humiliés. Les autres Églises qui étaient impliquées se sont toutes excusées officiellement, sauf l'Église catholique. Une situation qui gène l'Assemblée des Premières Nations mais qui ne l'a pas empêché de développer des liens de qualité avec la papauté et l'Église catholique canadienne.

La semaine dernière, plusieurs médias du Québec laissaient transparaître leur mépris de cette situation (le manque d'excuses) mais ignoraient du même coup le reste du portrait illustré très succintement ci-haut.

Le grand gagnant de cette affaire semble pour l'instant être le gouvernement canadien. Ce dernier a pendant de longues années demandé aux communautés religieuses de s'occuper de ces pensionnats, tout en appliquant une loi dont même le nom encore actuel - Loi sur les Indiens (ce qui est quand même moins grave que deux autres noms qu'elle a déjà eu : Loi sur les sauvages (1876) et Acte relatif aux sauvages (1880))- laisse transpaître tout le mépris latent que la classe politique canadienne a encore envers les peuples autochtones. Alors que la population canadienne est généralement prompte à dénoncer les abus de l'Église catholique, elle l'est moins avec le traitement du gouvernement fédéral envers les autochtones. Pendant ce temps, le gouvernement semble se désengager au maximum, ne sachant comment concilier aide et respect de l'autodétermination autochtone. Une situation dont il s'accommode bien en se lavant les mains.

Des peuples à la croisée des chemins
Alcool, drogue, suicide, décrochage scolaire, violence, faible espérance de vie, faible taux de scolarité : ce ne sont pas les défis qui manquent sur plusieurs réserves autochtones du Canada. Des situations qui ont tout du cercle vicieux entretenu par la pauvreté. Des défis hautement plus importants que les excuses "officielles" souhaitées par plusieurs autochtones.

Par contre, excuses ou non, la situation sera toujours la même sur les réserves si ces peuples ne se prennent pas en main. Si de telles excuses sont une nécessité pour les aider à se prendre en main, alors que l'Église s'excuse. Mais l'Église à déjà fait son choix : travailler main dans la main avec les autochtones, soutenir leurs révendications et les aider de manière concrète, à travers un travail de terrain, à développer un avenir moins sombre pour la jeunesse autochtone. Une tâche où elle excelle nettement plus que le gouvernement canadien par les temps qui courent...

dimanche 26 avril 2009

Jean-Paul II à Yad Vashem : complément de la note précédente

La note précédente faisait référence au passage de Jean-Paul II au mémorial de Yad Vashem. Cliquez sur cette image pour voir l'un des moments forts de son passage là-bas.



Le pape Benoît XVI se rendra également à ce mémorial lors de son voyage en Terre Sainte au mois de mai.

vendredi 24 avril 2009

En attendant le mois de mai : visite en Terre Sainte

Deux événements retiendront l'attention dans l'actualité religieuse au cours du mois de mai : la visite du pape en Terre Sainte et la sortie du films Angels & Demons au cinéma. À la lumière des polémiques des derniers mois, une question se pose d'emblée : faut-il s'attendre à d'autres tollés médiatiques ?

Le pape Benoît XVI se rendra en Terre Sainte du 8 au 15 mai (d'un vendredi à l'autre). Il visitera à cette occasion la Jordanie, Israël et les Territoires palestiniens. Il sera d'abord en Jordanie du 8 au 11 mai où il visitera l'une des plus grandes mosquées du monde à Amman, la capitale. La Jordanie compte environ 6,2 millions d'habitants. De ce nombre, à peine 6% sont chrétiens, surtout grec-orthodoxes. Les catholiques ne représentent vraiment qu'une petite minorité. Ce sont les musulmans sunnites qui constituent l'essentiel de la population (92%).

Les moments forts de sa visite papale en Jordanie seront son passage dans cette mosquée et sa visite du mont Nébo, le mont d'où Moïse aurait aperçu la Terre promise par Dieu avant de mourir (Dt 34).

Par la suite, le Saint-Père se rendra en Israël jusqu'à la fin de son voyage. En Israël, il visitera l'Esplanade des mosquées, le Mur des Lamentations et le mémorial de Yad Vashem. Il ne sera qu'une journée dans les Territoires palestiniens, le 13 mai. Il aura alors un message délicat à livrer aux chrétiens palestiniens qui font souvent les frais d'un conflit qui les éclabousse.

Yad Vashem, le moment clef
Son passage au mémorial de Yad Vashem pourrait être le moment clef de cette visite. Il s'agit du mémorial à la mémoire des juifs morts pendant la Shoah qui a été créé en 1953. Or, à l'intérieur de ce mémorial se trouve une photo du pape Pie XII dont la légende explicative évoque un manque de protestation au sujet des massacres des populations juives d'Europe. Le texte de cette légende a été au coeur de plusieurs controverses répétées au cours des dernières années. Pour l'instant, Benoît XVI a indiqué qu'il irait à Yad Vashem mais qu'il ne visiterait pas la salle contenant la photo de Pie XII.

Nouveau voyage, même rengaine
Mais peu importent les détails de sa visite au mémorial : ce sont les relations judéo-chrétiennes qui seront au coeur de cette visite, avec tout ce que ça peut comprendre comme dérapages possibles.

Essentiellement, le Vatican et sa salle de presse seront de nouveau confrontés à la dite « légende noire » du pape Pie XII, aux accusations d'antisémitisme latent, aux accusations de soutenir des discours négationnistes (en référence à l'affaire Williamson de janvier dernier), aux reproches d'avoir assisté à la conférence Durban II sur le racisme qui avait lieu cette semaine (qui a été boycottée par plusieurs pays en raisons des accusations qui allaient être portées contre l'État d'Israël dans le conflit israélo-palestinien) et, bien sûr, au mécontentement que suscite la fameuse prière pour la conversion des juifs.

Bref, le terrain est glissant. Mais comme ce ne sont pas de nouveaux reproches, le père Lombardi et sa salle de presse ont théoriquement toutes les réponses déjà prêtes. Mais croyez-moi qu'en attendant le mois de mai, ils auraient intérêt s'affairer à les bonifier...

lundi 20 avril 2009

Le pari de Benoît XVI, quatre ans plus tard

Le 19 avril marquait le quatrième anniversaire de l'élection du pape Benoît XVI. C'est l'occasion de regarder un peu les grandes orientations prises par ce pape depuis 2005. Alors que les récentes polémiques peuvent laisser croire qu'il connaît un pontificat catastrophique, c'est surtout l'occasion de casser quelques mythes entourant l'éternel comparatif entre lui et son prédécesseur Jean-Paul II.

Jean-Paul II vs. Benoît XVI ?
Le pape polonais a marqué le rôle du souverain pontife de manière exceptionnelle. Même s'il était parfois contesté au sein même de l'Église et dans les médias, sa figure historique tend à prendre une tangente positive depuis son décès. La tentation de la comparaison est grande avec Benoît XVI. Et si l'on s'en tient aux propos de certains analystes, le pape actuel serait nettement moins aimé que Jean-Paul II, qui lui serait préféré en raison de son charisme avec les foules.

Il faut d'abord se rappeler que l'élection de Benoît XVI marque une continuité avec le pontificat de Jean-Paul II. Le cardinal Ratzinger était très proche de son pape, tant dans le travail que dans la doctrine. Ils ont certainement un style différent, mais également une continuité plus grande qu'il n'y parait.

Charisme
Jean-Paul II déployait une grande énergie avec les foules. Même affaibli par la maladie, il savait encore étonner. Il est toutefois erroné de croire que le pape Benoît XVI souffrirait d'un manque de charisme comparativement à Jean-Paul II. Le charisme de Benoît XVI se trouve dans son message. On lui reconnaît certes ses qualité de théologien et d'intellectuel, mais on oublie souvent ses qualité de communicateur pour transmettre la profondeur de sa pensée théologique. N'oublions pas que Ratzinger a côtoyé tout au long de sa vie les plus grands théologiens du XXe siècle : Küng, Rahner, Congar, De Lubac etc.

Jean-Paul II brillait par le ton, par sa capacité théâtrale à émouvoir ou ébranler les foules. Benoît XVI fascine par sa capacité à rendre accessible à des milliers de personnes à la fois un message souvent complexe, remplit de nuances. Le fait qu'il soit souvent mal cité, ou plutôt cité de manière incomplète, découle justement du fait qu'il ne pense pas ses interventions en fonction de petites phrases « punch » mais plutôt en les organisant autour d'un système de pensée. Les foules l'aiment car elles ont l'impression de comprendre un nouvel aspect de leur foi lorsqu'il leur parle. Benoît XVI parle de Dieu à un monde qui cherche présentement à redéfinir ses répères, et il le fait de façon complète et sans raccourci. À cet égard, il est parfois plus facile à suivre que son prédécesseur.

Tradition
Depuis quatre ans, les détracteurs de Benoît XVI voient en lui le pourfendeur de la réforme entreprise par le Concile Vatican II. Son apparent « retour en arrière » sur la liturgie en latin, ses « concessions » aux plus radicaux de l'Église et son caractère trop doctrinal sont agités pour lui coller une image de rétrograde. Or, c'est justement parce qu'il se préoccupe du Concile Vatican II et de son héritage qu'il entreprend ces actions. Ratzinger comprend très bien ce qu'est Vatican II et son impact. Comme ce fut souvent le cas dans l'histoire de l'Église - et il n'y a rien de surprenant dans cette façon de faire - Benoît XVI rétablit ce qu'il juge être la ligne que doit suivre l'héritage de ce concile. Aux abus d'une liturgie dont il juge les écarts inefficaces - pensons à certaines messes « à gogo » au Québec - il propose un redressement. Aux catholiques qui rejettent en masse les acquis de Vatican II, il offre une oreille et un dialogue.

Fait-il bonne route ?
Benoît XVI fait le pari de l'unité et de la consolidation à long terme, et pour cela il semble faire des concessions. Par contre, ces concessions ne sauraient être assimilées à une faiblesse de sa part. Pour lui, certains théologiens avec lesquels il travaillait jadis sont allés trop loin. Pour lui, Vatican II doit être une évolution dans la tradition de l'Église, et non une rébellion contre deux millénaires. Il continue en ce sens l'oeuvre de Jean-Paul II.

La vraie question qu'il faut alors se poser après quatre ans de pontificat est plutôt celle de savoir si cette stratégie est la bonne. On l'a vu au Québec, plusieurs catholiques sont déçus de cette façon de procéder. Idem ailleurs dans le monde, notamment en France, en Suisse, en Belgique et en Allemagne. Par contre, malgré la controverse et les quelques prises de distance, Benoît XVI semble pour l'instant gagner son pari de s'attirer les sympathies d'une majorité de catholiques partout dans le monde.

mercredi 15 avril 2009

Développement et Paix sous enquête

L'organisme Développement et Paix fait présentement l'objet d'une enquête de la part de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC). Cela fait suite à des dénonciations publiques faites d'abord par le site Internet LifeSiteNews.com, et reprises par The Catholic Register, un journal qui appartient à l'archidiocèse de Toronto. Selon ces sources, Développement et Paix achemirerait de l'argent à des organisations qui font la promotion de l'avortement, notamment au Mexique où cinq groupes auraient été identifiés.

Au moment où ces allégations ont été publiées en mars, Développement et Paix a immédiatement répondu en réfutant ces allégations sur un ton sans équivoque. Mais devant l'ampleur que prenait l'affaire, l'organisme s'est senti pressé d'offrir de plus amples détails pour rassurer les catholiques canadiens.

La CECC a donc dépêché au Mexique deux évêques, Mgr Martin W. Currie, archevêque de St. John’s, à Terre-Neuve, et Mgr François Lapierre, P.M.É., évêque de Saint-Hyacinthe, au Québec. Du 15 au 18 avril, ils devront vérifier si Développement et Paix finance effectivement des organisations qui promeuvent l'avortement. Ils devront notamment vérifier si les allégations suites aux enquêtes "journalistiques" menées par LifeSiteNews se basent sur des faits vérifiés et contre-vérifiés ou si elles sont, comme l'affirme Développement et Paix, le fruit d'un travail bâclé, voire biaisé.

L'affaire a fait réagir passablement de catholiques dans les provinces anglophones du Canada, mais fait peu de vagues au Québec pour l'instant.

Une enquête sur un fil de fer
L'enquête débute à peine, et déjà elle est mise en doute. Premièrement, certains auraient souhaité voir des enquêteurs neutres se rendre au Mexique. Au moindre faux pas, la crédibilité de la démarche sera remise en question par les mêmes groupes pro-vie qui ont alimenté cette affaire. Deuxièmement, le degré de préparation des évêques sélectionnés est-il adéquat pour la tâche d'observation sur le terrain ? Mgr Lapierre, par exemple, se sentira rapidement à l'aise, lui qui parle bien espagnol. Mais après les nombreuses obligations du triduum pascal et les funérailles de son évêque émérite, Mgr Albert Sanschagrin, célébrées la veille de son départ, a-t-il eu suffisamment de temps pour approfondir le sujet, pour bien prendre connaissance des enjeux et des forces en présence ? On le lui souhaite.

Développement et Paix en furie
Quant à l'organisme Développement et Paix, il est en furie : il réfute catégoriquement ces allégations. Il sait de toute manière qu'il peut dire adieu à une bonne partie de son financement si jamais on prouve qu'il a financé, volontairement ou non, des groupes faisant la promotion de l'avortement. Plusieurs catholiques, surtout anglophones - et les Chevaliers de Colomb en tête - ne leur pardonneraient pas et se sentiraient trompés.

De plus, plusieurs dirigeants de Développement et Paix se demandent s'il n'y aurait pas anguille sous roche puisque ces allégations coïncidaient avec le Carême, l'occasion pour Développement et Paix de procéder à sa campagne annuelle Carême de partage qui permet de récolter annuellement environ 10 millions de dollars à travers le pays.

L'affaire est à suivre.

mardi 7 avril 2009

Ce qu'est réellement l'apostasie

Suite à l’article du journal Le Devoir daté du 1er avril qui faisait état d’une recrudescence des apostasies au Québec en réponse aux récentes polémiques entourant l’Église catholique, plusieurs informations erronées ont circulé au sujet de ce qu’est une apostasie.

Un certificat qui n'existe pas
Ces informations erronées ont pu naître d’une expression confuse contenue dans la lettre d’un groupe d’individus parue dans la même édition du Devoir. Dans cette lettre, les signataires écrivent : « Veuillez donc considérer cette lettre comme une démarche d'apostasie et nous retourner, comme il se doit, notre certificat d'excommunication ». Or, la démarche d’apostasie ne fonctionne pas ainsi.

Ce que dit le droit de l'Église
Tout d’abord, il faut savoir distinguer les termes apostasie, qui est un rejet de la foi chrétienne, et schisme, qui est un départ de l’Église catholique romaine. La précision de ces termes se trouve dans le Canon 751 du Code de droit canonique :

Can. 751 - On appelle hérésie la négation obstinée, après la réception du baptême, d'une vérité qui doit être crue de foi divine et catholique, ou le doute obstiné sur cette vérité; apostasie, le rejet total de la foi chrétienne; schisme, le refus de soumission au Pontife Suprême ou de communion avec les membres de l'Église qui lui sont soumis.

Le rejet de la foi chrétienne est plus radical qu'un rejet associé au schisme d’avec l’Église catholique.

Démarche à suivre
Pour apostasier, il faut envoyer une lettre personnelle, signée, dans laquelle on expose les raisons qui poussent à apostasier. Ensuite, on doit y indiquer le lieu et la date du baptême. Habituellement, la chancellerie répond à cette lettre de manière personnelle en demandant à l’individu s’il est bien conscient de ce que cela signifie. Par exemple, quelqu’un qui apostasie doit être conscient qu’il ne pourra plus être parrain ou marraine lors d’un baptême.

Si l’individu confirme sa volonté d’apostasier, l’Église catholique ajoute une note, dans la marge du registre du baptême, dans laquelle on indique que la personne a renoncé à sa foi chrétienne. Toutefois, le nom demeure inscrit au registre. Certains apostats vont même jusqu'à demander, sans doute aveuglés par une haine ou un mépris total envers l'Église, que l'on arrache la page sur laquelle se trouve leur nom. Évidemment, c'est peine perdue puisque d'autres nom s'y trouvent également.

L’apostasie ne peut pas se faire de façon orale ou par courriel car elle demande la signature de la personne. Elle ne peut se faire non plus de façon collective : chaque individu doit indiquer les raisons qui motivent l’apostasie. De plus, la personne doit être âgée de 16 ans et plus. On ne peut pas non plus apostasier au nom d’une autre personne.

Les lettres de la correspondance menant à l’apostasie sont conservées à la chancellerie, et une nouvelle copie du certificat de baptême, annotée pour tenir compte de l’apostasie, est envoyée à l’apostat.

Si jamais l’apostat veut retourner à la foi chrétienne, le processus est facilité. Il doit alors réciter le credo devant le curé de n’importe quelle paroisse.

Une mode lancée par les Raéliens
La mode des apostasies a été lancée au Québec au début des années 2000 lorsque les Raéliens invitaient les jeunes à apostasier en se plaçant à proximité des écoles lors de la sortie des classes. Peu de gens les avaient pris au sérieux, mais les médias avaient alors repris ce terme employé par les Raéliens. Par la suite, chaque fois que des controverses entourant certaines positions de l'Église catholique au Québec ou dans le monde ont surgi, les diocèses ont noté de légères hausses d'apostasies.

Le paradoxe de la démarche
Plusieurs membres du clergé ne comprennent pas pourquoi certaines personne s'acharnent à apostasier. Car dans la grande majorité des cas, ces apostats se sont éloignés de l'Église depuis plusieurs années et vivent très bien ainsi. En revanche, pour des individus qui entendent rejeter entièrement la foi chrétienne, l'acharnement de la démarche - car il faut visiblement être déterminé pour suivre les étapes - donne de l'importance à ce qu'ils rejettent : ils indiquent malgré eux qu'ils reconnaissent l'emprise qu'a l'Église sur eux, d'où le paradoxe de la démarche.

vendredi 3 avril 2009

Fermeture du Centre IXTHUS : chronique d'une mort annoncée

Le Séminaire de Québec a finalement décidé de repenser son projet d'évangélisation destiné aux jeunes adultes. Le Centre Québec IXTHUS, fondé en mai 2004, va donc cesser ses activités pour une durée indéterminée à partir du 30 juin 2009. Le site Internet du Séminaire de Québec atténue l'impact de cette annonce en indiquant sobrement que le centre « fait une pause dans ses activités ». Deux questions cruciales devront rapidement trouver une réponse : comment en est-on arrivé à une telle situation après à peine 5 ans ? et que faire de ce centre ?

Mort annoncée
La nouvelle est loin d'être une surprise : depuis au moins un an, il était de notoriété publique dans les milieux ecclésiaux que l'homme à la tête du Séminaire, Mgr Hermann Giguère, n'était pas satisfait des résultats obtenus par Québec IXTHUS. Il ne s'était pas gêné pour partager ses vues sur la question.

Dans une lettre annonçant cette fermeture, le supérieur général du Séminaire, Mgr Giguère, évite de donner trop de détails :

« Après des années d’implantation et de mise en place, il est apparu que le fonctionnement actuel du Centre ne répondait pas suffisamment aux attentes initiales. Dans ces circonstances, le Conseil du Séminaire a décidé à sa séance du 4 mars 2009 de cesser les activités du Centre Québec Ixthus pour un temps indéterminé à partir du 30 juin 2009. »


Deux erreurs
Il faut dire que l'approche de Québec IXTHUS favorisait grandement une approche soft qui tranchait avec une évangélisation directe. Comme bien des milieux chrétiens qui tentent d'offrir des activités attrayantes pour le plus grand nombre, la notion de « valeurs » était par moment tellement élargie, que l'objectif d'évangélisation pouvait sembler loin pour un observateur externe. Les arts occupaient une très grande place dans les activités d'IXTHUS. Parmi les belles réalisations du centre, soulignons le travail accompli avec les concours Émergences pour découvrir la relève musicale « chrétienne et engagée ». Mais cette centralisation sur les arts a peut-être été également à la source de l'insatisfaction du Séminaire.

L'ambiance et le ton des activités du centre étaient également nettement festifs. On voulait montrer une relève catholique fière, dynamique et pleine de vie. L'option en faveur des arts mettait l'accent là-dessus. Mais si certains jeunes adultes qui côtoient l'Église veulent effectivement faire l'expérience d'un dynamisme ecclésial qui tranche avec la grande sobriété de certaines messes, d'autre en revanche en ont marre du lien stéréotypé qui associe jeunesse et fête et rêvent de projets jeunesse qui fassent davantage de place aux autres aspects de la vie.

jeudi 2 avril 2009

Apostasies : un phénomène marginal

Un article du journal Le Devoir a relancé le débat autour de la question des apostasies au Québec. Il révèle que des dizaines de personnes, surtout dans l'archidiocèse de Québec, entendent renier leur foi suite aux récentes tempêtes médiatiques qu'a connu l'Église catholique. Alors qu'une vingtaine d'individus apostasie chaque année à Québec, ce sont environ 50 personnes qui ont envoyé une demande à cet effet uniquement au cours du mois de mars.

Sortir de l'Église
Dans l'édition du journal Le Devoir du 1er avril, une lettre ouverte écrite par un regroupement d'individus voulant apostasier était également publiée, en lien avec l'article en une. On pouvait notamment y lire : « Nous voulons ainsi nous libérer de la honte que nous éprouvons quand l'Église catholique, bien souvent malgré nous, nous considère comme des membres de cette institution. Veuillez donc considérer cette lettre comme une démarche d'apostasie et nous retourner, comme il se doit, notre certificat d'excommunication. »

Un phénomène marginal malgré tout
Même si la hausse de ces demandes n'est pas prise à la légère dans les différents diocèses du Québec, Mgr Jean Pelletier, chancelier au diocèse de Québec, indique que c'est un nombre très marginal qui va jusqu'à désirer une telle coupure. "Ces gens représentent 1/4000e de 1% du nombre de catholiques dans l'archidiocèse de Québec", a-t-il indiqué.

Lorsque la chancellerie d'un diocèse comme celui de Québec reçoit une telle demande, elle ajoute simplement une note dans la marge du registre qui contient le nom de la personne signifiant son désir de ne plus être considérée comme faisant partie de l'Église catholique.

« Il faut bien comprendre qu'on ne peut pas se débaptiser, c'est impossible », a expliqué Mgr Pelletier, qui affirme également que cette façon de gérer la demande d'apostasie laisse également la porte ouverte à un retour dans l'Église : « On ne peut pas enlever leur nom du registre. De plus, cela leur laisse également la possibilité de revenir à l'Église un jour s'ils le souhaitent. Dans une telle éventualité, nous serons toujours prêts à les accueillir ».