Le 9 septembre 1984, le pape Jean-Paul II débarquait à Québec et débutait son voyage apostolique de 12 jours au Canada. De Sainte-Anne-de-Beaupré à Montréal, des milliers de catholiques ont suivi à la trace le périple du pape polonais dans la partie québécoise de sa visite, en faisant ainsi la visite d'un chef d'État la plus suivie dans l'histoire du pays. Vingt-cinq ans plus tard, face aux défis de décroissance de l'Église catholique au Québec, une question se pose : que reste-t-il de son passage, de ses discours et de la ferveur des foules ?
Le moins que l'on puisse dire, c'est que peu de médias s'intéressent à cette affaire. Les grands médias, dont ceux financés par les deniers publics, effleurent à peine le sujet, alimentant d'autant plus la question de l'héritage du passage de Jean-Paul II.
Mais cette peur de voir son séjour sombrer dans l'oubli n'est pas récente. Dès le lendemain de son départ, plusieurs prêtres ont eu l'impression que tout redevenait « normal », comme s'il n'était jamais venu. Un curé montréalais me faisait remarquer aujourd'hui, brandissant le recueil des interventions publiques de Jean-Paul II au Canada en 1984, que le clergé québécois n'a jamais pris la peine d'analyser en profondeur le contenu de ces textes avec un peu de recul.
Précurseur
Or justement, à la lecture des discours du pape au Québec, il est étonnant de voir à quel point il a touché tous les éléments clés qui allaient alimenter les débats sociaux au Québec dans les années à venir : famille, individualisme, matérialisme, abandon de la foi, relations entre foi et raison, et entre religion et État. Dans son homélie à l'Université Laval, il disait ceci :
« La culture - et de même l’éducation qui est la tâche première et essentielle de la culture - est la recherche fondamentale du beau, du vrai, du bien qui exprime au mieux l’homme, comme “le sujet porteur de la transcendance de la personne”, qui l’aide à devenir ce qu’il doit “être” et pas seulement à se prévaloir de ce qu’il “a” ou de ce qu’il “possède”. Votre culture est non seulement le reflet de ce que vous êtes, mais le creuset de ce que vous deviendrez. Vous développerez donc votre culture d’une façon vivante et dynamique dans l’espérance, sans peur des questions difficiles ou des défis nouveaux; sans pour autant vous laisser abuser par l’éclat de la nouveauté, et sans laisser s’installer un vide, une discontinuité entre le passé et l’avenir; autrement dit, avec discernement et prudence, et avec le courage de la liberté critique à l’égard de ce qu’on pourrait appeler “l’industrie culturelle”; surtout avec le plus grand souci de la vérité. »
À Sainte-Anne-de-Beaupré, il a souligné à quel point les Amérindiens comptent parmi les plus pauvres de la société. Il n'a pas tu les relations difficiles entre les Blancs et les peuples des Premières Nations.
Au stade olympique, il a exhorté les jeunes à prendre garde aux paradis artificiels. Ses références aux problèmes économiques sont encore d'actualité aujourd'hui. Après tout, le stade olympique, ce n'était pas seulement Céline Dion...
À bien des égards, Jean-Paul II avait su déterminer les grandes questions qui allaient se poser au Québec.
La question autochtone
La question autochtone est, en rétrospective, l'un des plus grands accomplissements de Jean-Paul II au Canada. N'ayant pu se rendre rencontrer certains peuples des Premières Nations dans le Nord en 1984, il a insisté pour revenir le faire quelques années plus tard après un voyage aux États-Unis. D'ailleurs, il ne fallait pas oublier ce voyage en lui parlant du Canada ! Il se faisait un point d'honneur de le rappeler à son interlocuteur. Idem pour son entourage : dans le cadre d'une entrevue que je faisais avec le cardinal Stanislaw Dziwisz, qui fut le secrétaire personnel de Jean-Paul II pendant 40 ans, je lui demandais ce qui l'avait le plus frappé lors de la visite du pape. Sa réponse ? « - Laquelle au juste ? »
Anecdote à part, il faut savoir que le pape polonais insistait fortement sur la notion d'autodétermination des peuples autochtones. Il était devenu presque ironique, au milieu des années 80, de voir que certains des messages d'espoir les plus sentis venaient de la plus haute autorité de l'Église catholique, l'Église même dont trop de diocèses et de communautés religieuses avaient administré de façon honteuse les « pensionnats autochtones » pendant des années.
L'héritage de cette insistance de Jean-Paul II envers le respect des autochtones au Canada a culminé cette année alors que Phil Fontaine, alors Chef national de l'Assemblée des Premières Nations (APN) s'est rendu à Rome avec Mgr James Weisgerber, le président de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC). Ensemble, ils ont rencontré le pape Benoît XVI. Cela est venu marquer un point tournant dans la « normalisation » des bonnes relations entre l'APN et la CECC. Regrettant le passé, chacun s'est engagé à regarder conjointement vers l'avant.
Un travail de compréhension à faire
Quelle importance accorder à ce voyage papal ? Vingt-cinq ans plus tard, la question se pose comme au lendemain du départ du pape.
Les sujets d'actualité ont tendance à paraître importants lorsque tout le monde en parle pendant des années. Or, qui a parlé du voyage du pape au Québec ? À part des collections d'anecdotes personnelles et des plaques sur des bâtiments, qu'est-ce que l'Église du Québec a trouvé à dire à ce sujet depuis 1984 ?
Autrement dit, faut-il vraiment s'étonner que les médias n'en parlent pas ?
mercredi 9 septembre 2009
L'héritage de la visite de Jean-Paul II au Canada
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Comme suite de la visite de Jean-Paul II, on peut peut-être voir le travail de relations avec les Amérindiens qui a donné il y a peu cette rencontre à Rome entre Benoît XVI et le chef Phil Fontaine.
RépondreSupprimerPeut-être y a-t-il d'autres suites moins évidentes mais tout aussi valables. Les sujets abordés par Jean-Paul II n'étaient-ils pas préparés par nos évêques et leurs experts?
Par ailleurs ceux-ci dans leur catholicisme progressiste ne se trouvent-ils pas plutôt embarassés par les documents romains? J'ai entendu déjà, du temps de Jean-Paul II, un avis en ce sens dans l'entourage proche d'un évêque. On peut croire que Benoît XVI les embarasse encore plus de sorte qu'ils jugent nécessaire de traduire année sacerdotale par année presbytérale!
Oui, il faut examiner cette déchirure.